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Le nouveau Code de la Commande Publique (CCP), dont les parties législative et règlementaire sont parues au Journal Officiel de la République Française le 5 décembre 2018, entrera en vigueur à compter du 1er avril prochain.
L’ensemble des règles applicables aux contrats de la commande publique est désormais rassemblé au sein de ce code.
En effet, le CCP intègre notamment, en plus de l’ordonnance et du décret relatifs aux marchés publics, les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (Loi MOP et ses décrets d’application), à la sous-traitance (Loi du 31 décembre 1975), aux délais de paiement, à la facturation électronique, etc.
Ce texte est une codification à droit constant (compilation de textes préexistants sans innovation juridique majeure), sous réserve des modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs, abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet, et adapter les textes aux collectivités d’outre-mer.
Il reprend également un certain nombre de règles issues de jurisprudences anciennes et constantes.
Le CCP se compose de 1747 articles dans sa version initiale, répartis en un titre liminaire et deux grandes parties :
Ces deux « parties » étant elles-mêmes divisées en trois sous-parties, reprenant ainsi la distinction opérée en droit européen entre marchés et concessions :
A ces blocs législatif et règlementaire pourront s’ajouter des annexes (arrêtés et avis).
L’article L2152 reprend la jurisprudence (Conseil d'État, Ministre de l’Intérieur contre Société Artéis, 29/05/2013, n°366606[1]) et définit une offre anormalement basse (OAB) comme une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché.
Bien que le législateur ait réalisé un effort de clarification, on peut toutefois regretter que cette définition ne soit pas plus précise quant au caractère « manifestement sous-évalué » du prix qui risque de susciter des interrogations de la part des acheteurs, interrogations qui seront sans doute levées lors des premiers recours à ce sujet.
Le CCP prévoit les différentes possibilités de résiliation qui sont offertes à l’acheteur, ce qui n’était pas le cas dans les anciens textes. En effet, seuls les CCAG précisaient les cas dans lesquels la résiliation d’un marché était possible.
C’est le Chapitre V de la partie législative (articles L2195-1 et suivants) qui fixe ce cadre juridique pour les marchés passés par les personnes morales de droit public en déterminant les motifs de résiliation : cas de force majeure, faute d’une gravité suffisante, motif d’intérêt général, le fait que le cocontractant soit dans un des cas d’exclusion prévus au Code, etc.
L’article L6 du CCP (Titre Liminaire de la partie législative) consacre officiellement la faculté pour l’autorité contractante de procéder à la modification unilatérale du contrat, à condition de ne pas en bouleverser l’économie générale et d’indemniser le titulaire.
Les modifications contractuelles du marché (article L2194-1) peuvent donc désormais être opérées de manière unilatérale par l’acheteur.
L’article R2162-16 précise qu’en cas de mise en œuvre d’un concours retreint, il appartient d’une part au jury de rendre un avis sur les candidatures et, d’autre part, à l’acheteur de fixer, au vu de cet avis, la liste des candidats admis à concourir.
La terminologie en matière de procédure formalisée avec négociation a été modifiée. L’article L2124-3 dispose que « La procédure avec négociation est la procédure par laquelle l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques. ».
La procédure avec négociation remplace donc la PCN pour les pouvoirs adjudicateurs et la procédure négociée pour les entités adjudicatrices.
Attention toutefois, cette unification de la terminologie ne modifie en rien les conditions de recours à la procédure avec négociation pour les pouvoirs adjudicateurs (art R2124-3).
L’article L2125-5 introduit une liste et une définition des techniques particulières d’achats auxquelles les acheteurs peuvent avoir recours (accord-cadre, concours, système de qualification, système d’acquisition dynamique, catalogue électronique, enchères électroniques) afin d’en faciliter l’identification et la mise en œuvre.
Le CCP intègre dans un chapitre à part entière un ensemble de dispositions sur le règlement alternatif des différends (conciliation, médiation, transaction, arbitrage) afin d’inciter les acteurs de la commande publique à se diriger davantage vers ces modes de règlement des différends.
Jusque-là réservé aux procédures formalisées (art 51 et 53 du Décret 2016-360), le principe du « Dites-le nous une fois » est officiellement étendu aux procédures adaptées (art R2143-13 et R2143-14).
L’article 139 du Décret 2016-360 prévoit actuellement qu’un marché peut être modifié lorsque des prestations/travaux supplémentaires sont devenus nécessaires à la double condition que le changement de titulaire :
L’article R2194-2 ne reprend qu’en partie cet article puisqu’il supprime la seconde condition, ce qui permet un recours plus large à ce cas de modification en cours de marché.
L’article L2171-2 étend le recours aux marchés publics globaux au cas de construction de bâtiments neufs dépassant la réglementation thermique en vigueur rendant ainsi nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage.
Dans le cadre des marchés publics sectoriels passés par les établissements publics de santé, les organismes mentionnés à l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale gérant des établissements de santé et les structures de coopération sanitaire, l’article L2171-5 n’impose plus d’inclure la maintenance du bâtiment ou de l’équipement dans ces marchés
A peine publié, le CCP subit déjà des modifications. En effet, le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique a été publié le mercredi 26 décembre au Journal officiel et modifie à la fois le Décret de 2016 et le nouveau code.
Il prévoit diverses mesures d’ordre économique intégrées directement dans le CCP :
Le code sera également modifié courant 2019 par le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), actuellement discuté au sénat, avec, notamment, l’interdiction d’émettre des ordres de service portant sur des travaux supplémentaires nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage sans rémunération du titulaire du marché
Le nouveau CCP s’inscrit ainsi dans le prolongement d’une réforme engagée au niveau européen depuis 2014, et en France depuis 2015, nourrie par une volonté de modernisation et de simplification de la règlementation, tout en redonnant à la commande publique un véritable sens économique.
Les dernières statistiques publiées par l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) montrent en effet que le volet économique de la commande publique ne peut être négligé. Sont notamment constatés :
C’est dans ce cadre qu’ont été formés plusieurs groupes de travail au sein de l’OECP :
D’autres travaux d’harmonisation sont également en cours, notamment ceux portés par le groupe de travail DAJ « avis de publicité nationaux », dont l’objet est d’harmoniser les avis en-deçà des seuils européens. Ce groupe de travail, composé d’éditeurs d’avis, d’acheteurs publics et de représentants des fédérations professionnelles devrait permettant la prise d’un arrêté avant fin 2019.
La Commission n’est pas en reste et travaille actuellement à l’actualisation des avis standards européens (« e-forms ») afin d’améliorer l’accessibilité pour les opérateurs économiques et le pilotage de la commande publique, par la structuration des données et leur interopérabilité (ex : lien avec le DUME). La DAJ est associée aux travaux techniques, avec pour échéance la modification du règlement européen courant 2019 et une mise en œuvre prévisionnelle en 2022.
Par ailleurs, la transformation numérique de la commande publique opérée en France tout au long de l’année 2018 constitue un nouveau pas vers une harmonisation des règles en la matière au niveau européen. Cette transformation porte sur le Document Unique de Marché (DUME), la dématérialisation des procédures de passation, la facturation électronique ou encore la concrétisation de l’open data. L’objectif étant, à terme, pour les Etats membres de l’Union Européenne, de disposer d’une règlementation unique sur la dématérialisation des marchés publics afin d’en faciliter l’accès et d’en réduire les coûts.
La Commission Européenne avait effectué, fin 2017, deux communications et une recommandation en matière de commande publique. Six domaines prioritaires d‘évolution étaient soulignés :
La transposition des directives européennes de 2014 en droit national et la publication du CCP donnent un cadre favorable à la poursuite de ces objectifs.
[1] Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 29/05/2013, 366606
[2] Chiffres établis sur la base du recensement annuel des marchés supérieurs à 90 000 € HT.
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