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Le Conseil d’Etat effectue un revirement de jurisprudence solennel en procédant à une extension des voies de recours en contestation de la validité d’un contrat public, c’est-à-dire la possibilité d’attaquer la substance même du contrat et non seulement la procédure (ce que permettent les référés précontractuels et contractuels).
A cet égard on assiste à un élargissement du recours direct autrefois réservé aux parties et aux concurrents évincés lors de la passation d’un contrat public. Ainsi, le Conseil d’Etat abandonne la jurisprudence permettant aux tiers au contrat (1) de contester les actes détachables devant le juge de l’excès de pouvoir (2). Les sages du Palais Royal estiment désormais que les tiers sont recevables à agir en contestation de la validité du contrat ou de certaines de ses clauses devant le juge de pleine juridiction dans un délai de deux mois, selon le modèle applicable aux concurrents évincés depuis 2007 (3).
Toutefois, dans un objectif de stabilité des relations contractuelles, les tiers ne pourront contester que :
Le juge du contrat apprécie alors la gravité des illégalités entachant le contrat et les conséquences à en tirer. En effet, au regard de l’incidence des jurisprudences Tropic et Béziers 1 (4), le juge du recours de plein contentieux est désormais incité à utiliser de nombreux outils lui permettant de sanctionner les irrégularités, sans annuler rétroactivement le contrat. Il peut notamment décider de la poursuite du contrat en obligeant les parties à le régulariser. Dès lors, le juge prononce uniquement l’annulation totale du contrat lorsque :
Néanmoins, il est nécessaire de noter que cette extension de la recevabilité des requérants au recours direct va provoquer une augmentation du contentieux des contrats conclus à partir du 4 avril 2014, créant ainsi une insécurité juridique certaine pour les contractants. En effet, pendant la phase de recours, l’exécution du contrat continue, sauf si le recours est accompagné d’un référé suspension. Or l’annulation facilitée du contrat aura des conséquences lourdes sur les parties et l’intérêt public.
A cet égard, l’Achat public sera le premier domaine concerné par l’inflation contentieuse. Par conséquent, il est nécessaire que les acheteurs publics adaptent le contenu des avis d’appel public à la concurrence. En effet, leur rédaction devra comporter une indication sur l’élargissement des intéressés à agir en recours.
D’autre part, les marchés publics doivent aujourd’hui faire l’objet de mesures de publicité appropriées, or, il reste à craindre qu’afin d’éviter un contentieux, les acheteurs publics sur-réagissent et n’utilisent pas les souplesses ouvertes par le code des marchés publics (notamment les procédures adaptées).
Toutefois, le recours des tiers demeure strictement encadré. Son admissibilité relevant uniquement de l’appréciation du juge, seule la jurisprudence à venir déterminera le flux de recevabilité des tiers à former un tel recours et ses conséquences sur la pérennité des marchés publics.
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