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Le 23 juillet dernier, l’ordonnance n°2015-899 relative aux marchés publics a été publiée au Journal Officiel.
Cette ordonnance de transposition des directives « secteurs classiques » et « secteurs spéciaux » constitue la première étape d’une réforme annoncée pour le début de l’année 2016, au plus tard en avril.
Les grands axes de la réforme sont connus : simplification des textes, ouverture de la commande publique aux PME, développement des clauses sociales et environnementales.
Ainsi, lors du Conseil des Ministres du 22 juillet 2015, le Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, annonçait : « [Avec cette réforme] nous parviendrons, à force de volonté politique et d’audace administrative, à faire de la commande publique un véritable instrument au service de l’économie réelle, de l’innovation, de la responsabilité sociale et de la transition énergétique. » La réforme de la commande publique est donc lancée.
Aux fins de simplification, pouvoirs adjudicateur et entités adjudicatrices seront soumis aux mêmes textes et donc à des principes juridiques communs.
Unification des textes ne signifie pas nécessairement unification des règles. A ce jour, les grands principes de la commande publique s’appliquent déjà à l’ensemble de ces acteurs. Il est donc possible que certaines particularités subsistent et entraînent un risque de confusion pour le praticien.
Il est à noter que le champ d’application de la commande publique est particulièrement élargi par l’article 21 de l’ordonnance. En effet, celui-ci dispose que « les contrats passés par des personnes de droit privé (…) qui sont subventionnées directement à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur, sont soumis aux dispositions de la présente ordonnance ». Le nombre de donneurs d’ordres potentiellement soumis au futur texte est donc étendu. Eu égard à son poids économique, la commande publique, en France, s’affirme plus que jamais comme un véritable moteur de croissance (1).
La notion de concours réapparaît dans ce nouveau texte. Notre newsletter du 7 mai 2015 traitait du curieux bras de fer dont fait l’objet ce dispositif qui avait survécu, jusqu’ici, à toutes les réformes. Il est difficile d’en dire d’avantage à ce stade. Le concours est évoqué dans un article de définition mais ne figure pas dans la section dédiée aux procédures... L’émoi provoqué par la disparation programmée de l'obligation de concours a certainement permis la temporaire résurrection de ce dernier. Attendons la publication des décrets d’application pour savoir précisément ce qu’il advient de cette procédure.
Les marchés globaux sont consacrés et constituent d’ailleurs un principe d’exception à l’allotissement. On comprend le courroux des PME du BTP (soutenues par les architectes) qui ont le sentiment qu'on leur ôte d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre (généralisation de l'allotissement). Malgré la mise en place d’une pluralité de seuils et de quelques garde-fous (critère de technicité, objectif de performance), il est en effet à craindre que beaucoup de PME ne disposeront pas de l’ingénierie nécessaire pour candidater à ces marchés globaux.
En 2013, nous appelions à « Mesurer la performance et la responsabilité des achats publics » (Cf. Action n°8 du rapport produit par l’Institut Thomas More et CKS (1)). Fondamentalement, nous proposions la production d’indicateurs pour plus de transparence, mais aussi une meilleure efficacité de la commande publique.
L’article 56 de l’ordonnance ouvre la porte à l’« open data » dans les marchés publics. Il dispose ainsi que « dans des conditions fixées par voie réglementaire, les acheteurs rendent public le choix de l'offre retenue et rendent accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable les données essentielles du marché public sous réserve des dispositions de l'article 44 ».
La liste précise des éléments qui seront rendus publics figurera dans les décrets d’application. Certainement, le montant de chacun des marchés notifiés sera-t-il l’un de ces éléments. Souhaitons que d’autres informations « essentielles » puissent être publiées.
Sous condition d’une collecte aisée de ces informations, il serait évidemment intéressant de connaître le pourcentage des marchés attribués à des PME, à des acteurs locaux ou au secteur adapté et protégé, l’écart type entre les offres retenues et la moyenne de celles jugées recevables, etc.
Nous appelions également, en 2013, à « Ouvrir les possibilités de recours à la négociation » (Cf. Action n°4 du rapport produit par l’Institut Thomas More et CKS (1)). Celle-ci devrait (enfin) passer de l’exception à la norme. Outre les promesses d’économies qu’elle porte (qui ont certainement motivé le gouvernement), la négociation favorise l’accès des PME à la commande publique, elle renforce la transparence des procédures et l’égalité de traitement des soumissionnaires.
Les anglicismes semblent être manifestement à la mode (C’est d’autant plus étonnant lorsque l’on sait que les pratiques Achats en France sont certainement plus matures que dans les pays anglo-saxons…). « Anyway », réjouissons-nous également que les possibilités de « sourcing » (étude et consultation du marché (i.e. des opérateurs économiques)) soient précisées et encouragées dans les futurs décrets d’application.
Notre recommandation de « Mutualiser les ressources et les compétences, sans pour autant massifier les achats » (Cf. Action n°9 du rapport produit par l’Institut Thomas More et CKS (1)) a récemment été reprise par le Conseil d'Analyse Economique (Cf. Note N°22 sur la commande publique (2)) puis, ad litteram, par Bercy (Cf. Rapport sur les achats hospitaliers (3)).
L'idée de centres de services partagés Achats/Marchés, locaux ou nationaux, d'essence privée ou publique, progresse donc.
L'ordonnance renforce les capacités de recours aux centrales d'achats qui, telles qu'elles s'expriment aujourd'hui, ne sont pas des centres de services partagés (la promesse de valeur des centrales d'achats tient principalement en une offre de "massification" et non de "mutualisation").
L'ordonnance permet aux acheteurs de recourir à des centrales d'achats situées dans un autre Etat de l'Union européenne, à condition que ce choix ne soit pas justifié par la volonté de se soustraire à l'application des dispositions nationales qui intéressent l'ordre public.
Elle prévoit aussi l'ouverture des centrales d'achats à des activités "auxiliaires". Concrètement, les pouvoirs adjudicateurs pourraient solliciter une assistance à maîtrise d’ouvrage sans avoir à appliquer les procédures de mise en concurrence … Si les ressources mobilisées pour ces activités "auxiliaires" sont celles de la centrale d’achats, peut-être est-ce une bonne idée, si les ressources sont celles de sous-traitants, les inconvénients prendront rapidement le pas sur les avantages ...
L'acheteur pourra désormais exclure une ou des entreprises qui, au cours des trois dernières années, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l'objet d'une sanction du fait d'un manquement grave à leurs obligations contractuelles lors de l'exécution d'un marché antérieur.
Un dispositif qui rencontrera, à n'en pas douter, un grand succès auprès d'acheteurs publics qui pourront ainsi plus aisément assumer leur choix de ne pas considérer les offres d'opérateurs n'ayant pas donné satisfaction dans le passé. Certainement cette faculté d'exclusion va-t-elle créer quelques contentieux ...
L'impact réel de la réforme ne pourra être apprécié qu'une fois les décrets d'application publiés.
Plusieurs questions attendent réponses :
L'obligation de "concours" sera-t-elle maintenue alors que la Commission européenne considère qu'il n'est pas possible d'imposer une forme particulière de modalité d'exécution d'un marché ?
Quelle sera la part des marchés de partenariat réservée aux PME ?
Etc.
(1) Lire le rapport publié par ITM et CKS en 2013 : 150 Milliards pour quoi faire ? 10 actions pour faire de la commande publique un vrai moteur de croissance.
(2) Lire la note publié par le Conseil d'Analyse Economique en 2015 : Renforcer l'efficacité de la commande publique
(3) Lire le rapport publié par le Ministère des Finances et des Comptes Publics en 2015 : Faire de la commande publique un vrai moteur de croissance des achats hospitaliers innovants
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